"Depuis la déchristianisation de l’Europe, au cours du XXe siècle, le paradigme de la mission « lointaine » est mis en question. Nous vivons dans une période de transition entre deux paradigmes, comme l’écrit David Bosch. L’Europe est devenue « terre de mission ». La mission devra se faire aussi dans la proximité, comme pendant les premiers siècles. Mais sur quelle base théologique, par qui et comment ?"[1]
Un seul ordre missionnaire
"Allez, faites de toutes les nations des disciples" (Mat 28.18)
Le livre des Actes développe la mise en œuvre initiale de ce mandat missionnaire de l’Eglise : "vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre." (Actes 1.8) – le plan du livre suit d’ailleurs précisément la réalisation de ce commandement, en relatant le récit de l’expansion de l’Eglise, depuis Jérusalem jusqu’à Rome (et potentiellement l’Espagne, cf. Romains 15.24, 28), c’est-à-dire dans l’ensemble du monde connu d’alors.
Il y a donc, scripturairement parlant, un seul ordre missionnaire, qui intègre pleinement ce que nous appelons aujourd’hui mission "au près" et "au loin" : être universellement témoins. Les croyants de Jérusalem "disant la Parole de Dieu avec assurance" malgré la persécution (Ac 4.31 ; 5.41-42), Philippe portant l’Évangile aux Samaritains (8.5) et à l’Ethiopien (8.35), Pierre "ouvrant la porte" aux Samaritains (8.17) et aux païens (10) n’ont pas d’autre ordre de mission que Paul – Allez, faites de toutes les nations des disciples –, et pas d’autre feuille de route – vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.
Cet appel à aller vers les autres – tous les autres – pour partager l’Évangile s’adresse encore aujourd’hui, avec la même force et sous la même autorité, à chaque croyant né de nouveau, dans chaque église locale de chaque union d’églises.
Donc... tous missionnaires ?
Le travail missionnaire fidèle décrit dans le livre des Actes n’a pas achevé le mandat de Matthieu 28.18-20. La tâche se poursuit encore aujourd’hui.
En réponse au défi que représente l’ordre d’aller faire de toutes les nations des disciples là où le nom de Christ n’est pas connu, l’Eglise a, au cours de l’histoire, développé l’œuvre missionnaire, la "mission au loin", dont la spécificité est la transculturalité, c’est-à-dire l’envoi de missionnaires quittant leur contexte culturel d’origine pour entrer dans un autre contexte culturel, afin d’y être témoins de l’Évangile [2].
Dans ce sens, et contrairement à une opinion très répandue, nous sommes tous « témoins » mais nous ne sommes pas tous « missionnaires » (comprenez : missionnaires transculturels) – de même que si tous sont témoins, tous ne sont pas pasteurs ou enseignants !
Un seul corps, une multiplicité de fonctions
Il n’y a, en réalité, ni incompatibilité ni concurrence entre "missionnaire au loin" et "témoin au près" ni entre mandat de l’église locale et mandat des organisations missionnaires. Il n’y a qu’une ambiguïté, qui tient à l’usage indifférencié du terme ‘mission’ / ‘missionnaire’.
Chaque croyant, chaque église locale, chaque union d’églises, partage la responsabilité d’un mandat missionnaire unique, confié collectivement au Corps de Christ, au profit du monde entier. En revanche, chacun, en fonction de son appel propre, est envoyé par le même Seigneur comme témoin "au pas de sa porte" ou comme missionnaire "au bout du monde". Pour le dire encore plus clairement, la "mission au loin" fait partie intégrante des responsabilités de l’église locale, au même titre et avec la même urgence que la "mission au près" !
Pourtant, bien que ce soit dans la nature de l’Eglise d’être en mission avec Dieu, il est rarement – voire jamais – naturel et automatique que des chrétiens s’engagent dans une entreprise missionnaire sans avoir été enseignés, mis au défi, conseillés et encouragés par d’autres chrétiens dans leur église locale...
Alors, qui est prioritaire, mission "au près", ou mission "au loin" ?
La seule priorité, bibliquement, c’est d’être tous témoins de Jésus-Christ selon l’appel que Dieu adresse à chacun.
Pour que les ouvriers soient en nombre suffisant, là où le Maître les veut, il faut que nos églises soient au clair sur leur mandat missionnaire, afin que le Nom de Jésus soit proclamé "au près" comme "au loin" !
[1] Hannes Wiher, Qu’est-ce que la mission ? in « La Mission de l’Eglise au XXIe siècle, les nouveaux défis », Excelsis, 2010, p.12 [2] En cela, la transculturalité diffère profondément de l’inter- ou de la multi-culturalité où le témoin, même s’il cherche à comprendre les codes culturels de personnes issues d’autres cultures, vit et exerce ce ministère dans son contexte culturel d’origine.
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