À la fin du 18ème siècle, un jeune cordonnier ressenti l’appel de Dieu pour apporter l’Évangile à ceux qui n’y avaient pas accès. Répondre à cet appel ne fut pas sans difficultés pour le jeune homme et sa famille, mais le changement radical que son engagement a entraîné impacte encore le monde missionnaire aujourd’hui.
[SÉRIE - MISSIONNAIRES : CES PERSONNES ORDINAIRES QUI ONT RÉPONDU À L'APPEL D'UN DIEU EXTRAORDINAIRE]
Comment un simple cordonnier a-t-il changé le monde de la mission au point de recevoir le surnom de ‘Père des missions modernes’ ?
Né en 1761 en Angleterre, dans une famille de tisserands, William Carey n’avait rien qui laisserait penser qu’un jour il aurait un impact international. Il était le premier né d'un couple, un enfant intelligent qui aimait apprendre, et, par-dessus tout, intéressé par les sciences naturelles et la botanique. À 14 ans, le jeune Carey quitta l’école pour travailler dans les champs, mais rapidement, des problèmes de santé l’ont contraint d’arrêter. Son père lui a donc trouvé un apprentissage auprès d’un savetier dans un village avoisinant.
Élevé dans l’Église anglicane, Carey avait une connaissance intellectuelle de Dieu et il méprisait les dissidents. Ces derniers étaient ceux qui, à cause de différences d’opinion ou de croyances, avaient quitté l’Église anglicane et avaient fondé des communautés de croyants indépendants. Pourtant, c’est l’un de ces dissidents, un autre apprenti, au travers de nombreuses discussions sur la foi pendant leur travail, qui a participé au développement de la foi personnelle de Carey.
Outre ces discussions, un évènement spécifique allait transformer la vie de Carey. Un jour, alors qu’il faisait des emplettes, Carey se rendit compte qu’une pièce qu’il avait était sans valeur. Il utilisa donc de l’argent de son employeur pour payer et prétendit que la mauvaise pièce était la sienne. Sur le chemin du retour, il pria Dieu que le cordonnier ne se rende compte de rien, mais celui-ci découvrit la vérité. Carey éprouva beaucoup de honte suite à cette découverte et devint très conscient de sa condition pécheresse. Peu de temps après cet incident, il entendit une prédication à l’Église sur le scandale de la croix. Ce message l’interpella, et, se rendant compte que l’Église anglicane de l’époque se protégeait bien de tout scandale, il décida de prendre sur lui l’opprobre de Christ parmi les dissidents. Il passa beaucoup de temps à lire et étudier les écritures, et de lui-même apprit, entre autre, le grec et l’hébreux, afin de mieux les comprendre.
C’est au cours de ces années qu’il fit la connaissance d’Andrew Fuller, qui deviendra secrétaire de la première mission Baptiste. Il continua en tant qu’apprenti cordonnier jusqu’au décès de son deuxième employeur, moment auquel il reprit son magasin. Il épousa la belle-sœur de ce dernier à l’âge de 20 ans. Ces premières années furent très éprouvantes avec de grandes difficultés financières et le décès de leur premier enfant à l’âge de deux ans. Malgré cela, Carey se fit baptiser et entra dans l’Église baptiste en 1783. Il commença à prêcher dans des petites chapelles de sa région, en plus de son travail de cordonnier, puis devient pasteur en 1785. À partir de 1789, il dut aussi tenir une petite école, afin de subvenir aux besoins de sa famille.
Carey : un amour grandissant pour les peuples sans accès à l’Évangile
Il devint de plus en plus passionné pour les peuples lointains qui ne connaissaient pas l’Évangile et passa la plupart de son temps libre, et même de travail, à apprendre tout ce qu’il pouvait sur eux, reportant toutes les informations sur une grande carte qu’il avait lui-même dessinée. Il priait avec ferveur pour ces peuples sans accès à l’Évangile, pour qui il ressentait un lourd fardeau. Dès qu’il le pouvait, il parlait avec ses collègues pasteurs sur la faisabilité et l’importance d’apporter la Bonne Nouvelle à ces peuples, notamment lors de rencontres entre 1786 et 1790. Malheureusement, le contexte hyper-calviniste des baptistes de son époque rendait son message peu apprécié. Lors d’une de ces rencontres, ayant demandé pourquoi on ne faisait pas plus d’efforts pour apporter la Bonne Nouvelle aux ‘païens’, on lui répliqua : « Jeune homme, asseyez-vous ! Vous êtes un enthousiaste. Quand il plaira à Dieu de convertir les païens, il le fera sans nous consulter, ni vous, ni moi. ».
[Carey] y démontrait que le commandement de Jésus, d’aller faire de toutes les nations des disciples, restait d’actualité.
Face à cette résistance, Carey rédigea un manifeste missionnaire, qui fut finalement publié en 1792. Cet ouvrage, « Enquête sur le devoir qu'ont les chrétiens de se donner les moyens de convertir les païens », rédigé alors qu’il n’avait pas 30 ans, présentait les pays du monde, peuple par peuple. Il y démontrait que le commandement de Jésus, d’aller faire de toutes les nations des disciples, restait d’actualité. Il y apportait aussi des réponses aux principales objections à l’envoi de missionnaires à l’étranger et lançait un appel pour la constitution d’une société missionnaire baptiste. Cette même année Carey eu l’occasion de prêcher lors de la rencontre des pasteurs Baptistes. C’est au cours de cette rencontre qu’il prononça les mots qui restent très connus aujourd’hui : « Attendez-vous à de grandes choses de la part de Dieu. Tentez de grandes choses pour Dieu. » Suite à ce message, la décision fut prise de considérer l’établissement d’une société Baptiste pour la propagation de la Bonne Nouvelle parmi les peuples sans accès à l’Évangile, qui pris forme quatre mois plus tard.
Carey pensait partir à Tahiti ou en Afrique de l’Ouest pour commencer, mais changea d’avis suite à une rencontre avec M. Thomas, un médecin qui avait exercé en tant que missionnaire médical au Bengale, en Inde, et qui présenta le grand besoin de missionnaires là-bas. C’est ainsi, en janvier 1793, que Carey et Thomas furent envoyés en tant que missionnaires en Inde. Selon le concept de Carey, les missionnaires ne devaient être soutenus par la société que pendant les toutes premières années, le temps de s’installer, d’apprendre la langue et de pouvoir subvenir à leurs propres besoins, par exemple en cultivant la terre ou par d’autres moyens. Ceci permettrait à la société de continuer à envoyer des missionnaires à d’autres endroits. Un autre principe de Carey, qui allait garder une place centrale tout au long de sa carrière missionnaire, était d’être un compagnon et sur un pied d’égalité avec les personnes auprès desquelles il était envoyé, notamment en prenant le temps de bien apprendre les langues autochtones. Il trouvait notamment que les préjugés des européens, ainsi que le luxe dans lequel ils vivaient par rapport aux indigents, étaient des pièges dangereux pour l’avancement de la cause missionnaire.
Trouver la force de poursuivre dans l’appel de Dieu
La femme de Carey, ayant initialement refusé de partir avec ses enfants en Inde, finit par accepter de l’accompagner et, non sans quelques difficultés, ils purent prendre leur départ. Très rapidement plusieurs grands défis se présentèrent à ces deux familles missionnaires : tout d’abord, la province, contrôlée par les Anglais, était interdite aux missionnaires. Ils n’avaient donc pas pu obtenir de permis délivré par la Compagnie qui gérait cette partie du monde. Ils entrèrent quand-même sur le territoire, au risque d’emprisonnement et d’amendes. Dieu leur fit une grande grâce, et, en arrivant sur un bateau danois, ils purent débarquer sans être remarqués.
Un deuxième défi leur porta un coup plus sévère. Pour diverses raisons les missionnaires se sont très vite trouvés à court d’argent et Thomas pris la décision de se séparer de Carey. Ce dernier s’installa dans un lieu insalubre avec sa famille, sans argent et sans moyen de subvenir aux besoins de sa famille, car l’endroit ne pouvait pas être cultivé. Dans ces conditions plusieurs membres de sa famille sont tombés malades. Pendant ce temps d’épreuves, Carey s’est vu ébranlé, il ne se sentait pas à la hauteur du travail devant lui et avait du mal même à prier par moment. Dans ses lettres de l’époque, il confia qu’il ne trouvait son confort qu’en Dieu et qu’il savait que ce n’était que par la grâce de Dieu qu’il pouvait continuer à poursuivre dans ses convictions.
Dans cette grâce que Dieu lui a donnée, il persévéra dans l’apprentissage des langues locales, qu’il avait déjà commencé à bord du bateau, et à partager l’Évangile avec les personnes autour de lui. Il était à la fois encouragé par les progrès qu’il faisait et sa capacité de partager l’Évangile et découragé par l’absence de conversion parmi la population locale.
La provision de Dieu pour lui et sa famille pris la forme d’une offre de travail dans une plantation d’indigo. Avec ce travail de régisseur de plantation, Carey reçu aussi un permis séjour, permettant de régulariser sa situation. Malheureusement ceci ne mis pas fin à ses épreuves, la maladie étant encore souvent présente dans la famille. C’est ainsi, alors que lui-même se rétablissait suite à une maladie, qu’il perdit un autre de ses enfants, ce qui entraina un état dépressif chez sa femme, qui ne fit que s’aggraver au cours des années.
Du point de vue de la mission, ce nouveau travail permit à Carey d’avancer plus dans l’évangélisation. En effet, il avait maintenant un contact régulier avec un bon nombre d’Indiens, mais aussi avec des Européens et Eurasiens avec qui il partageait l’Évangile. C’était chez ces derniers qu’il y eu les premières conversions et une Église fut établie. En plus de prêcher la Bonne Nouvelle, Carey traduisait la Bible en bengali et composait des chants dans le style et les langues locales.
Un élan missionnaire propagé en Europe
En recevant les nouvelles de Carey et les diffusant, une ferveur grandissante pour la mission s’est emparée du Royaume-Uni, puis par la suite, des Pays-Bas aussi, avec pour résultat la création de plusieurs sociétés missionnaires et un nombre de personnes prêtes à donner leur vie pour apporter la Bonne Nouvelle jusque dans les endroits les plus reculés.
Quatre nouvelles familles ont ainsi embarqué pour rejoindre Carey dans son travail, mais malheureusement elles ne reçurent pas l’autorisation de venir sur le territoire contrôlé par les Anglais, et restèrent dans un territoire danois. À cause de cela, en 1800, Carey quitta avec sa famille la plantation d’indigo pour les rejoindre et Thomas se joignit de nouveau à eux. Les six familles vivaient ensemble dans une grande maison et mettaient leurs ressources en commun. Ils commencèrent une école et établirent une presse dans l’une des annexes afin de soutenir le travail de la mission et d’imprimer la Bible que Carey avait traduite.
Cette même année, alors que Carey avait presque perdu l’espoir de voir lui-même la conversion d’un Hindou, eu lieu le premier baptême d’un autochtone. Les quatre prochaines années allaient voir les baptêmes d’une quarantaine d’autochtones, en grande partie suite au partage de l’Évangile par les nouveaux convertis. Vu l’exemple montré par les missionnaires étrangers, les jeunes croyants comprirent le besoin de subvenir eux-mêmes aux besoins de l’Église, de leurs propres évangélistes et de leurs familles. C’était une grande joie pour Carey de voir plusieurs de ces premiers convertis devenir à leur tour missionnaires et faire partie intégrante de la mission auprès des peuples de l’Inde.
La femme de Carey décéda en 1807, et il épousa Dame Rumohr, une Danoise, en 1808. Sa nouvelle femme devint une partenaire importante dans son ministère missionnaire, jusqu’à sa mort 13 ans plus tard. Carey continua dans ses études de langues locales, en plus de partager l’Évangile et ses efforts de traduction de la Bible en différentes langues.
Au cours de sa vie, et par la contribution d’autres missionnaires aussi, la Bible fut traduite en totalité ou partiellement, en plus de 40 langues et dialectes. D’autres missionnaires se joignirent à lui et ils purent établir plusieurs centres missionnaires dans la région environnante, tout en travaillant en collaboration avec les nouveaux croyants autochtones. Le résultat étant qu’en dix ans il y avait déjà eu environ 300 conversions. Pendant ce temps Carey fut aussi employé par le gouverneur général des Indes pour enseigner le Sanskrit, Bengali et Marathi dans le collège de Fort William et pour traduire les lois et règlements du gouvernement, ce qui permit aussi de financer plus de projets de mission. Il fonda aussi le Serampore College en 1818 avec deux de ses collègues, pour former des ministres de cultes autochtones et qui forma aussi par la suite de nombreux missionnaires en langues orientales. La deuxième femme de Carey mourut en 1821 et il se remaria une dernière fois en 1823 à une veuve.
Bien que respecté par de nombreux chrétiens partout dans le monde de son vivant, il resta humble, connaissant sa condition d’homme pécheur et sachant qu’il n’avait que peu à donner devant la grandeur de Dieu.
Malheureusement, avec l’arrivée de nouveaux missionnaires au cours des années, il y eu des dissensions, notamment des nouveaux missionnaires qui n’acceptaient pas de vivre en communauté et n’appréciant pas le travail que leur donnaient les anciens missionnaires. Ceci pesait lourd sur Carey qui trouvait ces divisions indignes de leur Seigneur à qui tous devaient obéissance. De plus, le nouveau secrétaire de la mission en Angleterre voulait prendre la direction de la mission depuis là-bas, ce qui conduit Carey finalement à quitter la société jusqu’à sa mort en 1834. Il déménagea alors au collège, où il resta jusqu’à la fin de sa vie, revoyant ses traductions, prêchant et enseignant aux étudiants.
Carey avait passé la majeure partie de sa vie en se donnant entièrement à la mission que son Seigneur lui avait accordée. Bien que respecté par de nombreux chrétiens partout dans le monde de son vivant, il resta humble, connaissant sa condition d’homme pécheur et sachant qu’il n’avait que peu à donner devant la grandeur de Dieu.
Aujourd’hui, SIM avance dans les pas de Carey, avec la même vision d’apporter la Bonne Nouvelle à ceux qui y ont le moins d’accès. Comme il est écrit dans Romains 10.15 : “Et comment l'annoncera-t-on, si personne n'est envoyé ? ” Dans cette mission, la vision d’aimer et de respecter les peuples vers qui nous allons reste centrale, c’est pourquoi nous accordons autant d’importance à l’apprentissage de la langue et de la culture pour nos missionnaires. Pourtant certaines valeurs que nous avons diffèrent aussi des idéaux du jeune Carey : étant responsables des personnes que nous envoyons, SIM France-Belgique veille à ce qu’elles soient adéquatement préparées au départ en mission, notamment en terme de finances. Un accompagnement pastoral permet aussi de soutenir ces hommes et femmes qui servent parfois dans des conditions difficiles. De plus, pour nous, il est important que les deux membres d’un couple partagent la vision et l’appel pour le départ en mission. Mais, comme pour Carey, l’essentiel pour nous demeure que, en toutes choses, la Gloire soit rendue à Dieu seul.
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