Lilias Trotter (1853-1928), un talent donné par Dieu, utilisé à son service
- SIM France-Belgique
- 11 juil.
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Dernière mise à jour : il y a 4 heures
Laisser une trace dans l'Histoire par ses peintures ou donner sa vie pour les choses éternelles ? Voici le choix que devait faire la jeune Lilias Trotter. Avec un talent reconnu par l'un des plus grands critiques d’art de son époque, Trotter avait son avenir assuré. Mais sa vision se portait sur les choses bien plus importantes. Ce qu’elle visait c’était l’éternité avec Dieu.

[SÉRIE - MISSIONNAIRES : CES PERSONNES ORDINAIRES QUI ONT RÉPONDU À L'APPEL D'UN DIEU EXTRAORDINAIRE]
Croissance physique et spirituelle
Née en juillet 1853, Isabella Lilias Trotter grandit dans une famille chrétienne aisée à Londres. Grâce à cet environnement, elle reçut une bonne éducation et eut aussi l’occasion d’assister à plusieurs conférences chrétiennes, qui devinrent par la suite la Convention de Keswick, une rencontre annuelle qui existe encore aujourd'hui. Trotter ne se limitait pas à vivre une vie chrétienne superficielle, mais avait une grande soif de mieux apprendre à connaître Dieu et de s’approcher de Lui. La mort de son père, alors qu’elle n’avait que 12 ans, la poussa à se réfugier davantage dans la prière et dans la présence de Dieu. Jeune adulte, elle mit sa foi en action, s’investissant auprès de la YWCA (équivalent du YMCA pour les femmes) et des prostituées qu’elle allait elle-même trouver le soir près d’une des gares de Londres. Elle ne se récusait pas à la mission qu’elle s’était donnée, malgré les dangers que cela pouvait engendrer. En plus de son cœur pour les personnes défavorisées, elle possédait un remarquable talent d’artiste, qui, grâce à sa mère, ne passa pas inaperçu de John Ruskin, l’un des plus grands critiques d’art de l’époque. C’est ainsi que la jeune femme de 23 ans fut invitée à accompagner ce polymathe à plusieurs reprises et il devint en quelque sorte son mentor. Cet homme, qui jusque-là ne pensait pas qu’une femme pouvait peindre aussi bien qu’un homme, reconnut son potentiel pour devenir une des plus grandes artistes de leur époque. Il était convaincu qu’en se consacrant entièrement à l’art, elle pourrait atteindre l’immortalité au travers de ses peintures. Il la mit donc face à cette décision: l'art ou les œuvres, pensant qu’ainsi elle ne serait plus entravée par ses autres activités.
Laissant l’immortalité
Face à ce choix qui s’imposait à elle, Trotter fut initialement très perturbée. Elle demanda la prière et chercha elle-même la volonté de Dieu. Au grand désarroi de son mentor, elle prit la résolution de se consacrer entièrement à son ministère à Londres. Elle voulait chercher premièrement « le Royaume de Dieu et sa justice ». Cette décision ne fut pas prise sans une certaine douleur, elle avait un grand amour pour la peinture et avait grandement apprécié l’apprentissage auprès de Ruskin. Elle dut aussi faire face à l’incompréhension et aux reproches de sa famille et de ses amis, qui ne comprenaient pas pourquoi elle gâchait une telle opportunité. Elle porta avec elle le poids de ce sacrifice le restant de sa vie, la passion pour la peinture étant ancrée en elle jusqu’à sa mort. Connaissant le coût de son engagement, elle redoubla d’efforts dans son ministère, et s’y consacra entièrement.
Vers des choses plus grandes
En 1887, peu avant son 34ème anniversaire, Trotter se rendit à une réunion sur la mission à l’étranger. Un homme y partagea sur le besoin d’envoyer des missionnaires en Afrique du Nord pour y annoncer l’évangile. Elle sentit Dieu l’appeler à répondre à ce besoin, et se leva suite à l’interpellation de l’intervenant. Sa candidature auprès de North Africa Mission fut refusée pour des raisons de santé. En effet, quelques années plus tôt elle avait subi une opération qui l’avait laissée fragilisée à vie. Convaincue de son appel, elle ne laissa pas ce rejet la paralyser. Ayant des moyens personnels, elle partit à son propre compte avec deux autres femmes à Algiers, qui fut la base à partir de laquelle elle établit d’autres stations missionnaires. L’une de ces femmes resta avec elle pour le long terme. Les 40 prochaines années de sa vie furent passées à apporter la bonne nouvelle de Christ en Afrique du Nord.
Faiblesses et apprentissage
En arrivant à Algiers Trotter se rendit bien compte de sa faiblesse personnelle : elle avait été refusée par la mission en raison de sa santé, elle ne connaissait personne hormis ses compagnes de route, ne comprenait pas un mot d’arabe et n’avait aucune idée de comment commencer le travail qui était devant elle. Son entreprise paraissait folle, si ce n’était cette conviction ancrée en elle de l’appel du Seigneur. Partir en tant que femme célibataire dans un contexte où les femmes n’avaient pas le même statut que les hommes était courageux : elle et ses amies n’avaient personne pour les protéger, ce qui la conduisit par moments à embaucher des gardes. Pourtant, loin d’être un frein à son ministère, elle se servit de la liberté accrue que cela lui donnait pour rendre visite aux femmes mariées, qui n’avaient souvent pas le droit de sortir de la maison. Ce fut un vrai temps d’apprentissage pour Trotter et sa coéquipière, autant au niveau de la langue, avec l’arabe qui était tellement différent de l’anglais, que dans les tâches mondaines, ayant eu jusque-là des serviteurs et servantes qui faisaient tout pour elles.
Des années de labeur difficiles, sans grand résultat visible
Les premières années furent très difficiles, il y avait beaucoup de résistance à l’évangile de la part des personnes locales, et elles durent régulièrement adapter leurs approches. Trotter est d’ailleurs considérée comme l’une des pionnières avant-gardistes de l’évangélisation auprès de musulmans, utilisant des approches qui sont devenus plus répandues une centaine d’années plus tard. Finalement, au travers du contact avec les enfants, Trotter pu s’approcher des femmes. Son amour pour les personnes qu’elle rencontrait attisait en elle un désir de connaitre et comprendre au mieux leur culture, afin de pouvoir les rejoindre là où ils étaient et de partager le message du salut d’une manière qu’elles comprenaient. Elle voyageait dans le désert au sud à dos de chameau, parcourant de grandes distances pour l’annonce de l’évangile dans des petits villages. Sa santé restait fragile et elle dut rentrer en Europe à plusieurs reprises pour des temps de convalescence, mais elle persévéra jusqu’au bout. Outre les difficultés rencontrées dans la communauté, Trotter et son amie devaient aussi faire face à la suspicion et la désapprobation du gouvernement français local, ce qui, à la fin des années 1890, limita sa possibilité de voyager.
Rien ne se perd
Bien que Trotter avait quitté le monde de l’art professionnel, elle gardait en elle une passion pour la peinture et le don merveilleux que Dieu lui avait donné. Ayant sacrifié sa carrière d’artiste pour faire la volonté du Seigneur, elle découvrit que ce don pouvait être lui-même mis au service de Dieu. Elle avait toujours pu voir la grandeur de Dieu au travers de la création, et laissait Dieu lui parler non seulement au travers de sa Parole écrite, mais aussi au travers de sa création qui chante les louanges de Dieu. Ces temps quotidiens passés avec Dieu, soit contemplant sa création, soit passés dans la parole, lui donnèrent la force de persévérer dans son ministère, ne pouvant transmettre que de ce qu’elle avait elle-même reçu. Ces leçons qu’elle apprenait, elle les écrivait dans ses journaux quotidiens, qu’elle envoyait en Angleterre pour tenir les églises là-bas au courant de tout ce qui se passait en Algérie, illustrant ce qui était écrit afin de transmettre une image vivante. Son œil d’artiste voyait la beauté partout où elle allait. Elle écrivit aussi plusieurs livres, dont un pour les musulmans sufis, ainsi que des livrets d’évangélisation en arabe qu’elle illustra elle-même, cherchant toujours à se rapprocher de la culture locale. Trotter a laissé derrière elle de nombreuses peintures de paysages, flore locale et de personnes qu’elle a rencontré. Elle participa aussi à la traduction de la Bible en arabe courant, avec le rêve qu’une mère pourrait lire à son enfant et que celui-ci comprendrait. C’est ainsi que, bien loin de gaspiller ce don que Dieu lui avait donné, elle put le mettre à profit au maximum.
Fin de vie et héritage
Trotter et sa coéquipière établirent « Algiers Mission Band » en 1907 qui, vingt ans plus tard, comprendrait une quinzaine de stations et plus de 30 missionnaires. Cette mission rejoint par la suite AWM, aujourd’hui fusionné avec Pioneers. Avec le temps il y eu des conversions parmi les Algériens avec lesquels Trotter partageait l’évangile, mais ceux-ci subissaient de grandes persécutions, parfois jusqu’à la mort. Le nombre de conversions restait faible, pourtant Trotter persévéra dans le travail, sachant que son rôle premier était l’obéissance à Dieu, et lui faire confiance pour le reste. Elle écrivit qu’ils travaillaient pour le futur et les jours à venir. Elle décrivait son travail comme celui de l’abeille, qui va de fleur en fleur, sans nécessairement savoir ce qu’elle fait, mais déposant par là le pollen qui va permettre au fruit de pousser. Dieu est celui qui allait effectuer le travail, faire pousser le fruit, tout ce qu’elle faisait c’était de butiner dans les fleurs.
Alitée en raison de sa santé, Trotter passa les dernières années de sa vie à la prière, l’écriture et le dessin. Elle mourut en 1928, en Algérie, entourée par ces personnes qu’elle a tant aimées. Bien que l’Algérie reste majoritairement musulmane et la persécution est encore très présente contre les chrétiens, l’Église Algérienne aujourd’hui est bel et bien vivante.
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