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Lillian Hunt Trasher, la Mère du Nil : Foi, fidélité, patience

Photo du rédacteur: SIM France-BelgiqueSIM France-Belgique

Lillian Trasher (1887-1961) voulait que sa vie soit en accord avec ce qu’elle enseignait à ses enfants, et leur transmettre par son exemple une vie de dépendance à Dieu. C’est ce qu’elle fit. Trasher avait 23 ans quand elle quitta les États-Unis pour l’Egypte, où elle construisit le plus grand orphelinat au monde de son époque. Pendant ses 50 années de service elle s’occupa de plus de 10 000 enfants, et son héritage perdure encore.


Lillian Trasher, mère du Nil avec les enfants de l'orphelinat
Lillian Trasher avec les enfants de l'orphelinat

[SÉRIE - MISSIONNAIRES : CES PERSONNES ORDINAIRES QUI ONT RÉPONDU À L'APPEL D'UN DIEU EXTRAORDINAIRE]


Son plan, pas le nôtre


Née en Floride en 1887, Lillian Hunt Trasher grandit à Brunswick, aux États-Unis. Sa mère, anciennement Quaker, était devenue catholique et éleva sa famille dans cette tradition. À 17 ans, Trasher quitta la maison familiale afin de postuler pour un poste dans un journal à Atlanta. Elle avait grand espoir de poursuivre une carrière qui lui plaisait tant, mais, suite à un malentendu, elle ne décrocha pas le travail. Bien que déçue par la nouvelle, elle accepta que telle devait être la volonté du Seigneur et travailla dans un orphelinat, de 1908 à 1910. Cet orphelinat dépendait entièrement de dons, chose qui marqua Trasher et l’influença par la suite. La gérante de l’établissement encouragea Trasher à se former théologiquement, qui étudia pour un trimestre dans un lycée biblique local. Elle découvrit une passion pour l’évangélisation et pour les Ecritures. Pendant ses années à l’orphelinat, Lillian rencontra un jeune pasteur nommé Tom Jordan. Les deux s’entendaient très bien et quelque temps plus tard il la demanda en mariage, ce qu’elle accepta avec grande joie. Les préparatifs commencèrent et une date fut choisie.


L’appel et son coût


Peu de temps avant le mariage, ayant entendu le partage d’un missionnaire en Inde, Trasher sentit que Dieu l’appelait à un travail missionnaire en Afrique. Elle partagea cette conviction avec son fiancé. Malgré le choc, il lui répondit qu’il l’attendrait quelques années, le temps qu’elle revienne de mission. Il ne ressentait pas cet appel pour lui-même, mais aimait beaucoup sa fiancée et était prêt à faire ce sacrifice. Trasher savait pourtant que ce n’était pas pour le cours terme qu’elle était appelée, et donc, à contrecœur, elle décida de rompre les fiançailles, 10 jours à peine avant le mariage. C’était un choix très difficile, mais sa priorité était de répondre à l’appel que Dieu avait placé sur son cœur.


Deux questions restaient sans réponse : où aller ? et comment ? Trasher savait qu’elle irait en Afrique, mais n’avait aucune idée du pays. De plus l’église que Trasher fréquentait voulait bien prier pour elle, mais n’avait pas les moyens de la soutenir financièrement, et sa famille, hormis sa sœur, était contre l’idée qu’elle parte en mission. Malgré tout, elle se lança dans son projet, et, ce faisant, rencontra un pasteur venant d’Assiout (Egypte). Elle reçut la conviction que c’était là qu’elle devait aller, ce qui lui fut confirmé plus tard en lisant un verset. Celui-ci disait : « J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, j'ai entendu ses gémissements et je suis descendu pour le délivrer. Maintenant, vas-y, je t’enverrai en Egypte. » (Actes 7.35). Ainsi convaincue de son appel, elle partit pour l’Égypte, âgée de 23 ans, sans soutien financier. Sa sœur Jennie alla avec elle, voulant s’assurer que Lillian était bien installée. En réservant sa place pour le voyage, Lillian n’avait pas l’argent pour couvrir le billet, mais elle savait que si Dieu voulait qu’elle parte, il ouvrirait les portes. C’est ce qu’il fit, au travers d’une inconnue. Quelques jours à peine avant le départ du bateau, une jeune femme arriva à la mission où elle dormait et, après avoir prié pour elle, lui tendit une enveloppe contenant la somme restant à payer et Trasher put finaliser l’achat du billet.


Avec cette expérience en tête, et sachant que Dieu allait continuer à pourvoir à tous ses besoins, Trasher arriva à Assiout en Novembre 1910 avec sa sœur, où elles furent accueillies à la station missionnaire. Une missionnaire plus âgée, Selah, prit Trasher sous son aile et rendait visite aux femmes du voisinage avec elle.


Ne pas mépriser les petits commencements


Environ trois mois après son arrivée, un homme arriva à la station pour demander à quelqu’un de venir voir une jeune femme mourante. Lillian y alla avec Selah. La femme mourut peu après leur arrivée, laissant derrière elle un jeune bébé dénutri. La grand-mère de ce dernier allait le jeter dans le Nil : c’était une fille et elle avait peu de chance de survive de toute façon. En apprenant cela, Trasher fut horrifiée et prit le bébé, qu’elle nomma Farida. Elle était reconnaissante pour son expérience à l’orphelinat qui lui permit de prendre soin du bébé, qui petit à petit reprit des forces. Mais les pleurs presque incessants de l’enfant empêchaient les autres missionnaires de dormir, et la fatigue et l’agacement se faisaient ressentir à la station. Au bout de 2 semaines, le directeur de la mission convoqua Trasher et lui dit que la présence du bébé à la station impactait trop le travail des autres missionnaires, il fallait donc qu’elle le ramène au village. Elle refusa et alla s’installer dans une maison en ville. Sa sœur, qui était toujours là, l’y rejoint. Sans la protection de la mission, ni la provision en habits et en nourriture, Trasher s’en remettait entièrement entre les mains du Seigneur pour son avenir. Sentant que Dieu voulait qu’elle ouvre un orphelinat à Assiout, elle le fit en 1912, avec Farida comme seul bébé. Trasher fut encouragée en voyant les besoins de son nouvel orphelinat couverts par des dons en nourriture ou argent qu’elle trouvait sur son palier.


Foi en action


Le lendemain de l’arrivée du quatrième enfant à l’orphelinat celui-ci fut emmené à l’hôpital, souffrant de la peste. Trasher fut aussi infectée et tomba gravement malade. Par la grâce de Dieu tous deux survécurent. En 1914, Trasher et sa sœur avaient 8 enfants avec elles dans la maison. Elles commencèrent une école, et priaient et faisaient des études bibliques avec eux. La maison était trop petite avec toutes ces activités, mais un terrain de l’autre côté du Nil était à vendre. En entendant le prix du terrain, la foi manqua initialement à Trasher, puis elle se rappela que Dieu avait pourvu pour elle jusque-là. Se remettant une fois de plus entre les mains du Seigneur, elle entama le processus d’acquisition du terrain. Se rappelant d’une rencontre qu’elle avait faite quelque temps auparavant, Trasher présenta le projet à un homme d’affaire égyptien, qui lui donna l’argent nécessaire pour l’achat. Ils fabriquèrent les briques eux-mêmes, mais il y avait encore besoin d’argent pour d’autres matériaux pour la construction. Dieu continua à pourvoir au travers de la population locale et la construction finit par aboutir. Puis, un jour sombre arriva pour Trasher, le père de la petite Farida, maintenant âgée de 4 ans, vint la récupérer. C’était l’homme qui l’avait conduite à la maison ce soir-là, avant de disparaître. Trasher ne put rien faire d’autre que de la laisser partir, et fut encore plus éprouvée, quelque temps plus tard, lorsqu’elle apprit le décès de la jeune fille.


Premiers dangers


La première guerre mondiale, rageant déjà depuis un an en Europe, impactait de plus en plus l’Egypte. La conscription obligatoire pour l’armée Britannique laissait de nombreuses familles démunies, conduisant à une augmentation du nombre d’enfants amenés à l’orphelinat. En plus des enfants, des veuves vinrent aussi chercher refuge. Trasher allait les renvoyer, mais, voyant l’état dans lequel elles vivaient, décida de leur ouvrir les portes à condition qu’elles aident dans le travail. Ce fut une des meilleures décisions qu’elle ait prises, car le travail ne manquait pas. C’est ainsi qu’en 1918 l’orphelinat comptait 50 enfants et 8 veuves. En plus du travail que faisait les veuves, les enfants les plus âgés aidaient aussi au fonctionnement de l’orphelinat. La sœur de Lillian, Jennie, venue initialement pour aider Lillian à s’installer, rentra enfin aux Etats-Unis en 1918.


Avec la fin de la guerre vint initialement une grande réjouissance, suivit d’un ressentiment fort contre les Anglais en Egypte. Ceux-ci, venus pour protéger le canal de Suez pendant la guerre, ne relâchèrent pas leur emprise lorsque celle-ci fut fini. La situation finit par exploser en 1919, avec une révolution contre la domination britannique. Assiout fut pris dans la révolte. En entendant des bandes armées entrer en ville, Trasher mit les enfants à l’abris dans un vieux fourneau à briques. C’était tout juste assez grand pour les y cacher pour la nuit, le temps que les choses se calment. Par la grâce de Dieu l’orphelinat n’a subi que très peu de dégâts, en dehors des trous causés par les balles, et même les vivres étaient toujours en place. Suite à ces évènements les forces armées britanniques obligèrent les étrangers à quitter la ville. Avec un cœur lourd Trasher quitta ses 107 enfants et partit aux Etats-Unis. Là-bas elle se rapprocha des assemblées de Dieu, dont beaucoup soutinrent son ministère. De retour en 1920 elle put agrandir l’orphelinat, construisant de nouveaux bâtiments et des écoles vocationnelles.  Comme auparavant, elle se reposait sur le Seigneur pour pourvoir aux besoins, souvent sans savoir d’où viendrait les repas du lendemain. En 1924, l’orphelinat comptait 300 enfants.


Vie spirituelle de l’orphelinat


Trasher rendait visite aux personnes aisées aux alentours, pour leur demander de soutenir l’orphelinat. En effet, celui-ci dépendait entièrement des dons reçus. Un jour, trop fatiguée et découragée, Trasher déclara au Seigneur qu’Il devait s’occuper Lui-même de faire venir l’argent, car elle n’avait pas la force de chercher du soutien en même temps que de s’occuper des enfants. Les placards étaient souvent vides, mais elle faisait confiance à Dieu, et enseignait aux enfants à faire la même chose, et Dieu continua à pourvoir aux besoins quotidiens. Les études bibliques et la prière faisait partie entière de la vie à l’orphelinat et enfants étaient encouragés à suivre Jésus. En 1927, un soir, alors que Trasher leur expliquait les écritures, un réveil eut lieu parmi les enfants. Un grand nombre d’entre-eux, en larmes, confessèrent leurs péchés et louaient Dieu. Ce temps de prière et d’intercession continua pendant 5 jours, et beaucoup d’enfants eurent leur vie transformée. Les enfants se demandaient pardon les uns aux autres et avaient une grande joie. Ils demandèrent l’autorisation d’aller partager dans la ville et les villages alentours et beaucoup de personnes entendirent l’évangile proclamée par les enfants.


En 1933, il y eu une nouvelle campagne anti-étrangers en Egypte, en particulier contre les orphelinats étrangers à qui l’on reprochait de forcer les enfants de devenir chrétiens. Des orphelinats musulmans furent créés, certaines églises furent saccagées et des chrétiens battus. Tous les enfants musulmans de l’orphelinat furent retirés pour les placer dans les orphelinats musulmans, 70 enfants en tout. C’était très difficile pour Trasher de voir partir ses enfants. Pourtant, en parallèle de cette tristesse profonde, il y avait aussi de la joie, les garçons les plus âgés étaient devenus pour certains évangélistes ou pasteurs, et cela la réconfortait dans son travail.


Foi mise à l’épreuve


Avec tout le travail qu’elle faisait, Trasher tomba malade, au point où elle ne put rien faire pendant 2 mois. Pendant cette période, l’approvisionnement était particulièrement difficile à cause des pénuries et l’orphelinat devint endetté, chose qu’elle n’aurait jamais accepté. Un jour, elle arriva à la conclusion qu’il fallait renvoyer les enfants. Après l’avoir annoncé aux enfants, ces derniers se mirent à genoux pour prier. La foi manquait à Lillian, mais voyant ses enfants à genoux, suppliant Dieu de leur permettre de rester, elle décida que, quoiqu’il en coûte, ils resteraient tous là. Dieu intervint de manière miraculeuse et l’orphelinat reçut non seulement suffisamment pour couvrir tous les besoins, mais bien plus encore.


La deuxième guerre mondiale éclata, et, en 1940, les Italiens envahirent l’Egypte. Les citoyens américains et britanniques reçurent l’ordre de partir, mais Trasher refusa catégoriquement et resta. Elle avait passé plus de la moitié de sa vie en Egypte, et elle y était maintenant plus chez elle qu’aux États-Unis. En 1941 les alliés reprirent le dessus en Egypte, mais, à cause de la guerre, le prix des affaires continuait à augmenter. Trasher avait alors plus de 900 enfants à l’orphelinat, et c’était de plus en plus difficile de les nourrir, la pénurie se faisant ressentir partout en Egypte. Elle organisa un temps de jeûne et prière de 24h face à ce besoin, et le Seigneur répondit d’une manière extraordinaire. Un bateau de la croix rouge se rendant en Grèce avait dû faire demi-tour lorsque celle-ci fut prise par les Allemands. Le navire était censé alors jeter sa cargaison à la mer, mais un marin écossais, dont la mère priait fidèlement pour l’orphelinat, réussit à convaincre le capitaine de faire don de la cargaison. Cet approvisionnement allait bien au-delà de ce que Trasher pouvait espérer, il y avait des habits, de la nourriture, des matelas et bien plus. Trasher avait toujours voulu enseigner aux enfants la fidélité de Dieu dans les épreuves, mais elle n’avait jamais eu l’idée qu’il démontrerait cette fidélité d’une manière aussi spectaculaire.


La foi de Trasher fut de nouveau mise à l’épreuve en 1947 avec une épidémie de Choléra. Elle s’inquiétait de ce qui se passerait si le choléra touchait l’orphelinat, où les enfants vivaient tous en étroite proximité. Un jour un père arriva à l’orphelinat avec ses deux petits garçons, dont la mère était décédée. Ils avaient fait 4 jours de marche pour venir, mais Trasher allait les renvoyer. En effet, la place manquait, un feu ayant détruit une partie des bâtiments quelques jours auparavant, et surtout elle avait peur du risque de contamination. Pourtant, au moment de les renvoyer, elle changea d’avis, se demandant : s’il n’y avait pas de place dans un orphelinat chrétien, qui les prendrait ? Comment pouvait-elle dire qu’il n’y avait pas assez de place dans la maison de Dieu ? Elle accueillit donc les garçons, malgré ses réticences. Malheureusement ses craintes se réalisèrent : l’un des garçons tomba très malade pendant la nuit, il avait le choléra ! Le petit garçon mourut au bout de quelques heures. Trasher eut la boule au ventre, des centaines de vies étaient maintenant en danger à cause de sa décision. Elle passa la nuit et les prochains jours à prier. Par la grâce de Dieu aucun autre enfant ne tomba malade, et ce garçon fut la seule victime de choléra dans l’établissement.


Fin d’une vie, début d’un héritage


Lillian Trasher consacra 50 ans de sa vie à travailler parmi les orphelins et autres personnes oubliées d’Egypte, de 1911 à 1961. Puis en 1961, son corps la lâcha, et « la mère du Nil », comme on l’avait surnommé, alla rejoindre son Seigneur, laissant 1200 enfants à l’orphelinat, ainsi qu’un grand nombre de veuves. Elle est enterrée sur la propriété de l’orphelinat, auprès des tombes d’enfants qu’elle avait accueillis. Le travail de l’orphelinat continue encore aujourd’hui, sous la direction des AdD en Egypte.


Trasher n’était plus, mais l’héritage qu’elle a laissé perdure. Son désir de transmettre une vie de dépendance à Dieu fut réalisé et beaucoup de jeunes hommes quittant l’orphelinat sont devenus pasteurs ou évangélistes. Quelques années auparavant, lors d’une visite à l’orphelinat, le gouverneur de la Province, décrit le succès de celui-ci en trois mots : foi, fidélité et patience. Voici ce qui a caractérisé la vie de Lillian Trasher, la mère du Nil.

 


 

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À PROPOS DE SIM FRANCE-BELGIQUE

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