Fidèle à l’appel que le Seigneur a placé dans son cœur, une jeune femme issue d'une famille modeste quitte son Écosse natale pour « le tombeau de l’homme blanc », surnom donné au Calabar, une région dans le sud du Nigéria. L'investissement total de Slessor pendant ses 40 années de service missionnaire, lui ont valu d'être surnommée la « Mère de tous » par les locaux. Le combat incessant qu’elle mena contre l’infanticide de jumeaux est reconnu encore aujourd’hui, en témoignent plusieurs monuments érigés en sa mémoire.

[SÉRIE - MISSIONNAIRES : CES PERSONNES ORDINAIRES QUI ONT RÉPONDU À L'APPEL D'UN DIEU EXTRAORDINAIRE]
Mary Mitchell Slessor, née en Écosse en 1848, était le deuxième enfant d’un cordonnier et d’une tisserande. Lorsque Mary avait 10 ans, son père, alcoolique, perdit son travail et la famille dû déménager à Dundee où sa mère subvenait tant bien que mal aux besoins sa famille. Ils vivaient dans une pauvreté extrême, ensemble dans une seule chambre dans un quartier défavorisé et surpeuplé de la ville. Mary Slessor elle-même commença à travailler à mi-temps à l’usine de textile dès 11 ans, prenant des cours l’après-midi. Malgré ces conditions difficiles, sa mère, une femme très pieuse, lisait fidèlement à ses enfants le Missionary Record, magasine missionnaire mensuel de l’église presbytérienne. Ceci donna un intérêt à Mary pour la mission dès son plus jeune âge.
Mary aimait lire et apprendre, ce qu’elle faisait dès qu’une opportunité se présentait à elle. Lorsque sa capacité à lire le lui permis, elle dévora aussi les écritures. Âgée de 14 ans, elle fut obligée de travailler à plein temps, prenant des cours le soir, étant devenu le principal gagne-pain de sa famille. En effet sa mère venait d’accoucher du dernier enfant de la famille (une fille). Les mauvaises conditions dans lesquelles ils vivaient impactèrent la santé de la famille, et le père et les deux fils succombèrent à une pneumonie, laissant Mary, sa mère et ses deux sœurs seules.
Malgré toutes ses responsabilités, la jeune Slessor continua à se consacrer à son éducation autant que possible et à son développement spirituel personnel. Elle continuait aussi à lire le magazine missionnaire et était très inspirée par les histoires qu’elle y lisait, notamment celles de Livingstone. Elle commença à s’impliquer, dans ses heures libres, à l’école de dimanche et à enseigner dans une mission locale. Un soir, alors qu’elle se rendait à la mission, un gang la cerna et la menaça. Le leader avait un morceau de plomb attaché à la une corde qu’il balançait pour l’intimider. Il arriva à son niveau, faisant toujours tourner le plomb au bout du fil. Le plomb frôla le visage de Slessor, mais elle ne broncha pas, prête à souffrir plutôt que d’abandonner le travail que Dieu lui avait confié. Ceci interpela le leader au point où il s’arrêta et le groupe décida de participer à la réunion de la mission. Ce jeune homme eut sa vie radicalement transformée, et ils gardèrent contact des années après.
Vivant elle-même dans un quartier pauvre, Slessor avait un bien meilleur rapport avec les enfants des quartiers défavorisés que les intervenants de la classe moyenne. En l’observant, le Révérend la pris sous son aile, et l’encouragea à parler dans différents groupes de l’Église.
La nouvelle de la mort de Livingstone, en 1873, interpela Slessor, qui déposa sa candidature auprès du comité missionnaire de l’église Presbytérienne, dont elle faisait partie. Bien qu’elle vienne de la classe ouvrière pauvre, les recommandations qu’elle reçut (notamment du Révérend) ainsi que le travail de mission qu’elle avait déjà fait en Écosse jouèrent en sa faveur. Elle fut acceptée comme enseignante au Calabar, à condition qu’elle continue à améliorer son éducation. Cette région, située dans le sud du Nigéria actuel, était alors surnommé « tombeau de l’homme blanc », en vue des nombreux occidentaux qui y mourraient de maladies diverses ou retournaient chez eux invalidés par la maladie. Slessor se prépara donc à partir en se formant davantage.
En 1876, la mission décida qu’elle était prête, et, à l’âge de 28 ans, elle monta à bord d’un bateau à vapeur, à destination de l’Afrique de l’ouest. En arrivant, Slessor avait hâte de se mettre au travail et devait régulièrement se rappeler que « Jésus n’était jamais pressé », expression qu’elle répéta souvent au cours de sa vie. Le début de son temps à Calabar était divisé entre enseignement dans l’école de la mission, apprentissage de la langue Efik, de la culture locale et visites auprès des femmes. Elle apprit beaucoup auprès des autochtones, plutôt que dans un livre, autant en termes de langue que de culture, ce qui lui valut une connaissance plus approfondie que la plupart des missionnaires. Elle était attristée de voir la position de la femme dans la société locale, et choquée par une coutume locale qui consistait en l’infanticide de jumeaux et soit le meurtre, soit le rejet de leur mère. Cette coutume venait de la croyance que l’un des jumeaux était le fruit de rapports sexuels entre la mère et un démon, sans qu’il soit possible de savoir lequel des deux. Elle dédia une grande partie de sa vie à lutter contre cette pratique et adopta et éleva un grand nombre de jumeaux qu’elle réussit à sauver. Une autre chose qui choqua profondément Slessor, surtout à cause de son expérience étant enfant, était de voir l’ivrognerie des populations locales. Elle fut laissée sans réponse lorsque, un jour, un vendeur de rhum lui demanda pourquoi les blancs leur en apportaient si ce n’était pas une bonne chose.
Assez rapidement, comme pour un grand nombre de missionnaires, la maladie eut raison de Slessor, et, avec la faiblesse, vint le mal du pays. Mary quitta le Calabar en Juin 1879, trois ans à peine après son arrivée. Elle aurait pu abandonner à ce moment-là, mais, 16 mois plus tard, ayant visité des églises et partagé sur le besoin au Calabar, Slessor repartie avec une vigueur renouvelée. Elle devint responsable d’une des stations missionnaires où elle était la seule missionnaire. Elle y construisit sa maison à la manière locale, en terre et acacia, avec un toit en paille. Cette décision était pour qu’elle puisse consacrer une grande partie de son salaire pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses sœurs en Écosse. Elle décida aussi de manger la nourriture locale, évitant tout import (sauf le thé, qu’elle considérait comme essentiel), réduisant encore ses dépenses.
Elle profitait de toutes occasions pour partager sa foi avec ceux qu’elle rencontrait. Elle devint responsable d’une deuxième station, et partagea son temps entre l’enseignement le matin dans l’une des stations, dans l’autre l’après-midi, et un culte dans chacune le dimanche. Elle était débordante d’énergie, se donnant au maximum à son travail. Elle avait déjà une très bonne maitrise de la langue et décida de vivre de plus en plus à la manière locale. Ceci était très étrange à l’époque, et lui valut d’être critiqué pendant des années, certaines personnes refusant même de travailler avec elle. Son dévouement à son travail était tel qu’en 1882, elle fut placée à la tête de 4 stations missionnaires. Elle commença à visiter des villages seule, restant là-bas jour et nuit, vivant à la manière locale, dormant dans une case partagée, mangeant et vivant avec eux. Ces visites ne furent pas sans danger. Lors d’une de ces visites, une tornade toucha le village où elle était. Elle fit alors ce qui devint son habitude lors de telles situations : elle rassembla autour d’elle la famille et entonna des hymnes.
De retour à la station, elle tomba malade, avec une forte fièvre. La mission, qui avait déjà perdu plusieurs missionnaires cette année-là, décida de la faire évacuer. Elle quitta donc Calabar en 1883, avec un jeune bébé qu’elle avait sauvé, qu’elle nomma Janie. Malgré son rétablissement, Slessor resta en Grande Bretagne à cause de problèmes de santé de sa mère et d’une de ses sœurs. Elle les amena dans le sud de l’Angleterre où le climat était meilleur et où elle entreprit d’améliorer ses compétences infirmières. Alors qu’elles étaient là-bas, sa deuxième sœur décéda de manière inattendu, et Slessor ne voulut pas laisser sa mère et sœur seules et malades. Mais sa mère insista, et Mary reparti pour le Calabar en Novembre 1885. Très peu de temps après, sa mère, puis sa jeune sœur moururent toutes deux. Slessor se sentit très seule en apprenant la nouvelle, mais gagna aussi en indépendance, disant qu’à présent il n’y aurait personne pour s’inquiéter si elle se rendait plus vers l’intérieur du pays.
De retour à Calabar la vie ne fut pas facile, en 1886 il y eut une famine et Mary tomba malade à de nombreuses reprises. Pourtant elle persévéra, et, ayant à cœur depuis quelque temps de s’installer parmi le peuple Okoyong, où il n’y avait pas de présence missionnaire, elle reçut la permission de faire des visites dans ce territoire en compagnie d’autres missionnaires, puis une 4ème fois, seule. Elle son courage faillit lui manquer à plusieurs reprises, mais elle s’en remit à Dieu. Lors de cette dernière visite on lui offrit un terrain dans deux villages et un an plus tard elle put enfin s’y installer.
C’est ainsi qu’en 1888 elle s’installa en territoire Okoyong et dévoua ses 26 prochaines années à un ministère pionnier, vers l’intérieur du pays. La tribu Okoyong était une tribu guerrière, très ancrée dans la religion traditionnelle et l’ivrognerie et qui ne semblait pas accorder de valeur à la vie humaine. Au cours de ses années de service auprès d’eux, elle gagna leur confiance et on lui apportait des disputes à régler, mais aussi les enfants abandonnés ou les jumeaux qui jusque-là auraient été tués. Elle fut la seule femme missionnaire autorisée à se rendre dans cette partie du pays, considérée trop dangereuse, pendant plusieurs années. Un avantage qu’elle avait était sa très bonne maîtrise de la langue Efik, qui était aussi parlée par le roi et les chefs du village où elle s’installa. Elle entra dans les bonnes grâces de la tribu en guérissant une des femmes du roi, alors que sorcier du village n’avait pas pu. Elle construisit des écoles, partageait la bonne nouvelle et s’opposa à la coutume d’infanticide de jumeaux, ainsi qu’à d’autres coutumes qu’elle estimait barbares. Elle s’interposa à de nombreuses reprises, parfois mettant sa vie en péril, pour sauver la vie de personnes, et bien des fois avec succès.
Une des difficultés que Mary rencontra chez les Okoyong était le syncrétisme. Ils ajoutaient Dieu à leur collection de divinités et intégraient les cultes dans leurs pratiques religieuses. Physiquement aussi elle éprouvait des difficultés : les conditions de vie étaient très difficiles. Au début, elle partageait la maison avec d’autres personnes, en plus des animaux divers qui allaient et venaient. La saison des pluies détruisait les maisons et abimait les affaires qui s’y trouvaient. De plus, les habits conseillés aux femmes missionnaires de l’époque n’étaient vraiment pas adaptés au travail en brousse, Slessor décida donc, au bout de plus de 12 ans d’activités missionnaires, d’abandonner ces habits, du moins en majeur partie. Elle fut connue comme étant la missionnaire aux pieds nus. Elle encouragea aussi le commerce entre Okoyong et Calabar, ce qui fut un grand défi à cause de la crainte que ces derniers éprouvaient à l’égard des Okoyong. Pourtant elle y arriva et, en conséquence, l’animosité entre les tribus diminua. Le respect que Slessor inspirait auprès des tribus locales, ainsi que tout le travail qu’elle réalisait en leur faveur, lui valut le titre de « Ma Akamba » la Grande Mère, titre réservé aux femmes méritant un grand honneur.
En 1890 un jeune homme appelé Charles Watt Morrison arriva à Calabar, alors qu’elle y était en rémission. Ils se mirent à correspondre et se fiancèrent juste avant le départ de Slessor en congé missionnaire en 1891. Malheureusement pour le couple, la mission ne voulut pas que Morrison quitte son poste à Duke Town pour rejoindre Slessor à Okoyong, ils ne purent donc pas se marier. Morrison tomba malade en 1893 et dû quitter Calabar, sa condition physique ne lui permettant pas d’y retourner. Slessor avait le cœur déchiré, mais savait que son appel était d’être à Okoyong. Elle rompit donc les fiançailles, jusqu’au jour où, si Dieu le leur permettait, ils se retrouvent au même endroit. Ils ne se revirent pas, la santé de Charles ne s’améliora pas et il mourut en 1897. Slessor garda avec elle jusqu’à sa mort les livres dans lesquelles ils avaient inscrits ensemble leurs initiales.
En 1892, Slessor fut la première femme à être nommée vice-consule de l’Empire Britannique. Dans ce rôle elle présidait sur les cours de justice locaux et rendait des jugements. On la surnomma « Obongawan Okoyong », la reine d’Okoyong. Elle continua aussi autant que possible son travail missionnaire, avec l’enseignement à l’école et à l’église, les visites auprès de personnes malades et le soin des enfants qu’elle avait recueillis. Elle travaillait avec ardeur et persévérance. 1897 fut une année particulièrement difficile avec une épidémie de variole, faisant des centaines de morts, dont le premier roi Okoyong qui l’avait accueillie.
En 1898, à bout de forces, Mary fut transportée sur un bateau avec ses 4 filles adoptives. Le retour en Écosse était difficile, tellement elle s’était adaptée à la vie en Afrique. Elle y fit à contrecœur la tournée des églises. Lorsque la mission essaya de la convaincre de rester plus longtemps, elle leur aurait répondu : « si vous ne me renvoyez pas là-bas, j’y rentrerai en nageant ». Elle repartie plus tard dans l’année, âgée de 50 ans. Ses journées continuaient à être bien remplies, commençant dès 6h et finissant tard le soir. Elle fut encouragée en voyant le fruit de son travail, avec des conversions, une réduction de l’ivrognerie et une baisse des mises à morts. Voyant que l’évangile était maintenant assez bien acceptée dans la région Okoyong, elle déménagea en 1904, pour se rendre plus vers l’intérieur du pays à Itu. La séparation avec les Okoyong était difficile, mais elle savait qu’elle devait continuer à avancer vers les peuples sans accès à l’évangile. Tout comme elle l’avait fait dans le territoire Okoyong, Slessor construisit des écoles, célébrait des cultes le dimanche et conduisait l’école de dimanche. Tout ce travail se fit ressentir sur sa santé, elle devint de plus en plus faible, au point où elle dû être régulièrement transporté en hamac pour pourvoir continuer son travail. En 1907 elle fut obligée de retourner une dernière fois en Écosse, prenant avec elle seulement son fils adoptif Daniel. Dès qu’elle le put, après seulement quelques mois, elle rentra en Afrique, pour retrouver ses autres enfants. Sa santé resta fragile, mais quand on lui conseilla de retourner en Écosse elle refusa, disant que ce qui lui importait c’était de faire la volonté de son Maître. Elle continua donc, avec l’entêtement qui la caractérisait, mais arrêta le travail pour le gouvernement Britannique en 1909. En décembre 1912 elle reçut la médaille de l’ordre de Saint-Jean en reconnaissance de tout ce qu’elle avait accompli. En 1914, alors qu’elle ne pouvait plus se déplacer seule, on lui donna une sorte de fauteuil roulant qui lui permit de continuer son travail avec quelqu’un qui la poussait. C’est ainsi qu’elle continuait à prêcher, enseigner l’école de dimanche deux fois par semaine et dans les écoles deux fois par jour. Pendant les derniers mois de sa vie, elle ouvrit un dernier centre missionnaire. Elle mourut en janvier 1915, dans ce pays qui était devenu le sien, où sa persévérance et son obéissance à Dieu firent tomber de nombreuses barrières.
« Je n’ai fait rien d’autre que ce que Dieu aurait pu faire tout aussi facilement sans moi »
> Abonnez-vous à notre liste d'envoi email pour recevoir d'autres histoires comme celle-ci
Comments